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Confinement et sens au travail : est-ce le moment pour une reconversion ?

17 avril 2020 Carrière
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Par Laurent Polet, Professeur en Management à l’Ecole Centrale Paris, et Co Fondateur de Primaveras, l'École du Sens au Travail http://www.primaveras.fr 

Primaveras est partenaire d'HEI Alumni dans l'organisation d'événements Carrière.

 

En tant que professionnel de l’accompagnement des transitions de carrière, j’observe les tendances de la reconversion, et de manière plus attentive durant cette crise. Dans cette époque inédite, paraissent de nombreux articles ou posts pour promouvoir l’opportunité du temps retrouvé, et réfléchir à un changement professionnel. Car la mode est à la reconversion, présentée comme le « graal » de toute vie professionnelle réussie. Cette mode véhicule également une idée de facilité, avec en creux le message qu’avoir du temps serait une opportunité, et suffirait à mener à bien le projet de reconquête.

 

Certes, 8 millions de français actifs sont au chômage partiel (voire total!). Il est donc naturel de communiquer pour aider à la prise de recul pour ces salariés qui seraient en inactivité (car les autres sont au contraire débordés ...). Cela peut donner envie d’en profiter pour sauter le pas, prendre un coach, engager un bilan de compétences, ou suivre une formation, car il existe en vérité de nombreuses formules en ligne. Primaveras que je dirige pourrait être tenté de communiquer pour attirer ces candidats en recherche de solutions. Mais la reconversion est un sujet sérieux. Nous savons que l’enjeu du résultat est fondamental pour chaque candidat qui se lance. J’invite donc ceux qui sont attirés par cette « fenêtre » du temps libre à la prudence. Voici des réalités que pourrait masquer l’attirance de remplir ce temps libre.

 

Ne pas se mentir sur sa confiance en l’avenir

Tout d’abord, si vous pensez que ce qui va se passer dans « l’après crise » se transformera en récession économique, que tout va s’arrêter, et que plus rien ne sera possible, et vous en avez peur de l’avenir proche : faites demi tour ! Vous devez en priorité vous préserver et garder la sécurité de votre travail. Laissez vos réflexions de changement de vie de côté pour prendre soin de vous autrement. Après la reprise, vous ne serez pas en mesure de mener votre projet face aux aléas et défis qui se présenteront. C’est une question d’honnêteté vis-à-vis de vous même. Si l’incertitude, inhérente à tout changement, vous fait douter, ne tentez pas l’aventure maintenant, car un changement professionnel, radical de surcroît, exigera toujours d’accepter une vraie part de prise de risque.

 

Ce message est identique si vous n’avez pas construit une solide intention de changer de travail. Pour vous, c’est un simple rêve, que rien ne presse. Alors ayez conscience que les forces de rappels vont vite venir vous ramener à une dure réalité : dès la reprise du travail, avec un rythme soutenu lié aux turbulences, votre quotidien fera passer à l’arrière plan vos souhaits secrets d’épanouissement. Ne perdez donc pas votre temps, ou alors faites le en conscience, peut être simplement pour vous faire plaisir, ce qui serait tout à fait pertinent !

 

Saisir l’effet d’aubaine …

Si vous ne vous reconnaissez pas dans les deux contextes précédents, que vous caressiez sérieusement le rêve de changer, que vous aviez déjà une idée de nouveau projet, que votre charge de travail ou son contexte vous empêchait de passer à l’action: alors cette période peut vous permettre de passer à l’acte !

 

Mais le faisant, il ne faut pas vous tromper sur la condition véritable de la réussite d’une transition volontaire. La réussite d’une reconversion n’est pas une affaire de vitesse, mais de constance. Je rencontre souvent des candidats « pressés » de démarrer rapidement un accompagnement Primaveras. Si je comprends l’impatience d’aller vers un mieux-être professionnel, je m’attache à alerter ces candidats à la bifurcation qu’une réorientation prend du temps et se joue plus sur la durée (comme une course de fond) que sur la date de départ (telle une course de vitesse). Ainsi le dit la fable du Lièvre et de la tortue : rien ne sert de courir, il faut partir à point. La précipitation serait une mauvaise tactique. Bien qu’il ne soit pas impossible de réussir à changer rapidement, à l’instar de la tortue !

 

… et tenir après l’effet d’aubaine

Pour certains d’entre vous le confinement est donc une « fenêtre » pour accélérer une réflexion, et organiser l’action. Encore faut-il que cette fenêtre ne s’ouvre pas sur un mur, car il faudra aborder « l’après crise » comme un tremplin pour la quête de sens, et non comme un obstacle. Pour cela, je vous conseille d’échafauder dès aujourd’hui un plan à plus longue échéance, sur plusieurs mois, pour ne pas être victime de la reprise, et de ses chamboulements. La situation inconfortable qui viendra ne le serait que davantage si vous ne vous y prépariez pas dans votre tête.

 

Avec de la détermination, et de la méthode, l’époque serait donc propice aux volontaires du changement de cap professionnel. Car loin d’être impossibles, les prises de contacts sont de surcroit plus ouvertes (selon le contexte professionnel naturellement). En sachant faire tomber ses représentations sur l’emploi, vous observerez que les recrutements ne sont pas figés, sans doute gelés par endroit, mais seuls ceux qui sauront anticiper et préparer « le terrain » disposeront de la longueur d’avance pour passer la ligne… telle la tortue victorieuse !

 

« c’est le moment de vous reconvertir !» : face aux titres parfois simplificateurs, je déconseille donc d’imaginer qu’il suffit de saisir l’aubaine du temps libre pour vous lancer dans une reconversion. Quelle que soit la durée du confinement, vous serez tenus de garder de la constance dans votre projet. Or, si vous êtes salarié, la sortie du chômage partiel, inéluctable, risque de vous happer fortement (car les employeurs voudront naturellement relancer l’activité et mobiliser plus fortement encore leurs cadres restés « en inactivité »). Dans ces circonstances, le risque latent serait de générer une frustration, celle d’avoir tenté mais d’avoir laissé tomber, en tout cas de ne pas s’être donné les moyens. Ne vous bercez pas d’illusions qui vous feraient du tort plus tard.

 

 




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